Conversation avec Giuseppe Bezza

Claudio Cannistra

 

Claudio Cannistra avait interviewé Giuseppe Bezza en 1991 suite à la publication du Commento. Cet interview  a été publié dans le n°83 de la revue Languaggio Astrale (Eté 1991).  Merci à Claudio Cannistra et à Grazia Mirti la directrice de cette revue de nous avoir autorisé à publier ce texte passionnant dans lequel Giuseppe Bezza évoque son parcours astrologique et présente sa vision de l’astrologie.

 

Peut-être peu connu du grand public astrologique, mais non moins important… Giuseppe Bezza est avant tout un chercheur, un passionné d’astrologie classique et de disciplines anciennes qui a été formé à l’art de la prédiction sur les textes des astrologues grecs, latins et arabes. C’est pourquoi sa façon de faire de l’astrologie est peut-être unique, car elle suit fidèlement ce qu’étaient les règles des anciens astrologues, en partie oubliées par la plupart des modernes, mais qui ne sont pas sans valeur. Vierge ascendant Vierge avec la Lune en Lion, il est licencié en lettres anciennes et a passé quelque temps à Paris, où il a collaboré aux magazines « Les Temps Modernes » et « Le Point » à Bruxelles.

Il a publié « Astrologie, histoire et méthodes » en 1980, puis plusieurs essais sur les techniques de l’astrologie classique et ses fondements astronomiques et philosophiques dans des revues universitaires. Son dernier ouvrage est le commentaire du premier livre du Tetrabiblos de Ptolémée pour la maison d’édition Nuovi Orizzonti, dont nous avons parlé dans le précédent numéro de Linguaggio Astrale.

Je le rencontre dans son atelier milanais : pratiquement une immense bibliothèque dans laquelle sont rassemblés des centaines de volumes.

La première question semble presque obligatoire : comment en êtes-vous venu à écrire ce commentaire sur le Tetrabiblos de Ptolémée, ou plutôt, comme vous le dites, sur Ptolémée ?

Le Tétrabiblos est le texte le plus complet de l’astrologie classique qui nous soit parvenu et c’est le texte qui a exercé la plus grande fascination sur les astrologues anciens ; les astrologues les plus patients du passé qui voulaient arriver à leur propre certitude intime du sujet ont étudié ce texte et l’ont commenté. Je l’ai fait à la fois pour moi, pour approfondir mes connaissances, et pour aider tous ceux qui veulent se consacrer à l’astrologie classique et en comprendre les théorèmes, les principes et les techniques.

Qu’est-ce qui vous fascine dans l’astrologie ?

La possibilité de prédire des faits dans la pratique : c’est ce que je considère comme sa véritable fascination, certainement son aspect le plus spécifique et le plus particulier.

Ce qui m’a poussé à l’étudier, c’est précisément de voir s’il était possible de faire un certain type de prédiction.

Je n’ai pas ressenti de fascination pour un type particulier de cosmologie ou de représentation symbolique ou autre, notamment parce que tout ce que j’ai toujours connu comme expérience religieuse ou philosophique en raison de mon milieu culturel est certainement d’un niveau beaucoup plus profond et sincère.

Comment êtes-vous venu à l’astrologie et depuis combien de temps l’étudiez-vous ?

C’est un pur hasard, suite à la curiosité que mon frère avait éveillée en moi. C’était en 1978 et avant cela, je n’avais jamais vu de livre d’astrologie. Je me souviens que la première chose que j’ai faite a été d’acheter le Sementovsky, que j’ai gardé quelques mois et que j’ai ensuite vendu sur un étal parce que je ne voulais pas en savoir plus….

Et après l’« impact » du Sementovsky, comment cela s’est-il passé ?

Avant de le vendre, j’ai regardé ce qu’il y avait autour de moi : à la bibliothèque Sormani et à la Trivulziana du Fonds Morando, il y avait de nombreux ouvrages d’auteurs français, de Flambart à Julevno, de Selva à Caslant. Il y avait une bonne représentation de l’astrologie du début du siècle, de toute cette école, qui est assez sérieuse, et qui, au moins, a commencé avec des bases mathématiques assez profondes. Je me suis tourné en particulier vers Volguine et ses expériences dans les Cahiers Astrologiques.

J’ai tout de suite eu une grande estime pour cet auteur et certains de ses livres. Il avait un grand mérite : une compréhension profonde des éléments traditionnels, comme peut-être aucun autre astrologue, avec une capacité à les ressentir intimement, même si la « technique » fait vraiment défaut.

Comment en êtes-vous venu à l’astrologie ancienne ?

J’ai passé environ deux ans à lire la littérature astrologique contemporaine. Je pensais, en somme, que l’on pouvait apprendre l’astrologie avec la littérature d’aujourd’hui ; j’imaginais qu’il y avait une base littéraire et un corps de doctrine accompli et riche en réflexions nouvelles. Quand j’ai compris que ce n’était pas le cas, je suis parti à la recherche des origines, des racines, pour étudier l’astrologie grecque.

Le premier astrologue classique que j’ai lu a été Paul d’Alexandrie, puis Rhétorius et Hephaistio de Thèbes et petit à petit je suis passé à Ptolémée et c’est là que j’ai vraiment compris que soit on avait des connaissances astronomiques « complètes », soit cette astrologie était incompréhensible. C’était inévitable.

Dans ce « chemin astrologique », quel est le rôle de votre formation philosophique ?

La philosophie m’a surtout servi à ne pas me priver d’une méthode pour procéder et à pouvoir comprendre les principes sur lesquels cette discipline est née : les principes qui peuvent justifier une pensée astrologique au sein d’une philosophie de la nature qui s’est épanouie à l’époque hellénistique et qui a connu un renouveau à la Renaissance, même si tous les astrologues et écrivains de la Renaissance n’ont pas tous suivi la voie philosophique de l’astrologie classique. Si l’on part de cette question de la méthode et de la procédure, il devient évident que l’on a besoin de principes et que ces principes n’existent pas dans l’astrologie d’aujourd’hui. C’est ce qui m’a amené à aborder l’astrologie ancienne.

Quelle est votre conception de l’astrologie ?

L’astrologie peut être définie comme un « art » qui a une finalité utilitaire et thérapeutique.C’est-à-dire qu’elle est prévue pour pouvoir soulager des maux ou pour pouvoir les prévenir, donc les diminuer, et ce aussi bien pour l’homme individuel que pour un groupe d’hommes.

que pour un groupe d’hommes. Il ne s’agit certainement pas d’une « religion » ou d’une « foi ». Il doit s’agir d’un point d’arrivée et non d’un point de départ, en ce sens que ceux qui pratiquent l’astrologie doivent avoir un fondement qui soit la base intellectuelle commune de la culture de leur époque. C’est particulièrement difficile pour nous parce que toutes nos connaissances ont changé et évolué lentement, alors que l’astrologie est quelque chose d’extrêmement traditionnel avec des règles bien définies et une évolution beaucoup plus lente et difficile, et elle doit s’adapter pour exprimer les choses de l’époque dans laquelle nous vivons. En cela, elle ressemble plus à une interprétation de la réalité qu’à la réalité elle-même.

Pouvez-vous résumer les caractéristiques particulières de l’astrologie ancienne ?

Toutes les techniques de l’astrologie ancienne sont issues de l’observation minutieuse des apparences lumineuses du ciel. Il est donc nécessaire de connaître les lois des mouvements réels et apparents des astres, toutes leurs anomalies, leurs apparitions et occultations, leurs stations ou rétrogradations, leurs ascensions et descentes, leurs mutations lumineuses dans les cycles sidéraux et synodiques. Si l’on dit que les astres sont comme les signes de l’écriture cubique (peu importe que ce soit vrai ou faux), la technique de prédiction consiste à lire ces signes. Ainsi, l’astrologie ancienne a créé une véritable grammaire et syntaxe des apparitions lumineuses, un langage qui possède une valeur sémantique très riche. Une hypothèse fondamentale sous-tend tout cela : ce qui est produit dans notre monde l’est en vertu d’une mémoire lumineuse des cieux. La connaissance de la technique de l’astrologie ancienne est la connaissance de cette mémoire. À partir des lois astronomiques du mouvement, on parvient à la réalité physique par une procédure métaphorique qui, à partir des figures et des formes des cieux, parvient à leurs significations sur terre.

Par conséquent, cela conduit-il à une réévaluation de l’astronomie ?

S’il n’y avait pas d’astronomie, il n’y aurait pas d’astrologie car, selon la pensée des anciens, l’astronomie de position est un signe avant-coureur d’un élément symbolique et apporte donc immédiatement une donnée utile pour le jugement : un indice. Un bon astrologue doit donc avoir une connaissance intime et complète de l’astronomie, précisément parce que les phénomènes astronomiques recèlent une richesse inégalée de symboles et de signes qu’il s’agit d’interpréter ; sans quoi il ne peut énoncer un seul jugement ! L’astrologie actuelle, par contre, est orpheline de l’astronomie d’une part, et d’autre part elle lui est soumise, comme elle est soumise à la science moderne ; en ce sens qu’elle ne peut plus concevoir l’importance d’accepter un phénomène astronomique selon les lois apparentes, les lois de l’astronomie de position, c’est-à-dire de l’astronomie ptolémaïque.

Quelles sont, selon vous, les principales différences entre l’astrologie classique et l’astrologie moderne ?

Je dirais que la principale différence est que l’astrologie d’aujourd’hui n’est pas liée à une procédure scientifique et qu’elle n’est donc pas une science en tant que telle. L’astrologie d’hier, en revanche, était liée à une procédure scientifique. L’astrologie d’hier, par contre, était liée à une démarche scientifique : bien qu’elle ne soit pas non plus une science, elle est issue de la science et l’astrologue d’hier connaissait la démarche scientifique de son époque.Il devenait astrologue en connaissant les sciences, par exemple les mathématiques, l’astronomie, la philosophie. L’astrologue d’hier s’inscrivait dans le contexte de son époque et s’il pouvait être au service d’un prince ou d’une communauté, c’était en relation avec le fait que ses pensées et ses opinions étaient pensées de l’intellectuel de son temps, alors qu’aujourd’hui l’astrologue participe plutôt dans la majorité des cas à un autre type de culture. C’est-à-dire que la façon dont un médecin diagnostique une maladie ou intervient pour une guérison nécessite des connaissances qui sont celles de l’astrologue lui-même. Par exemple : la philosophie naturelle que le médecin étudiait était la même que celle de l’astrologue, l’idée de la nature que le médecin ou le philosophe avait était la même que celle de l’astrologue. Ils étaient donc unis par la même conception scientifique. Par ailleurs, ce qui diffère aujourd’hui, ce sont les principes : les principes philosophiques. Car la première question que l’on se pose est de savoir s’il y a une influence des astres et selon quel principe. L’astrologie moderne n’a pas de réponse univoque à cette question, elle a des réponses différentes selon les praticiens. En cas de réponse différente, nous ne sommes plus en présence d’une science ou d’un art, mais seulement d’opinions personnelles. Or, les anciens astrologues répondaient tous à cette question de la même manière.

Et comment l’astrologue antique répondait-il ?

L’astrologue antique répond en se référant à un principe d’émanation lumineuse, principe qu’il partage avec la philosophie naturelle et la médecine, où tous les états naturels du corps ou les humeurs cycliques dépendaient des diversités saisonnières, et les diversités saisonnières dépendaient à leur tour du cycle lumineux du Soleil ou du cycle synodique de la Lune ou des différentes luminosités des astres.

À cet égard, Galien, l’un des plus grands médecins de l’Antiquité, explique en termes clairs et nets pourquoi il existe une influence des astres et comment celle-ci dépend de la lumière, une démonstration du fait que la médecine, la philosophie et l’astrologie reposaient autrefois sur une base commune.

Ne vous considérez-vous pas comme un archéologue ou un antiquaire de l’astrologie pour avoir étudié quelque chose qui n’est plus d’actualité ?

L’astrologie ou la prédiction à partir des phénomènes célestes est un art qui n’a pas pu naître aujourd’hui ; il est né et s’est développé dans des conditions historiques indéterminées, et bien que cet art perdure aujourd’hui, il est absolument détérioré. Pour en retrouver l’intimité et la pureté, il faut se tourner vers le passé, essayer de voir ce qu’il a été pour le comprendre en tant que tel. Celui qui étudie son art, étudie toujours ses origines : la particularité de l’astrologie est que ses origines sont plus importantes que les origines des autres arts, tant du point de vue de sa structure que de sa connaissance.

Pensez-vous donc que l’astrologie classique peut être actuelle et avoir son propre développement ?

Oui, l’astrologie classique peut certainement être actuelle, ce qui la rend actuelle c’est l’état du ciel car l’aspect du ciel n’est jamais le même. L’évolution de l’astrologie est donnée par les apparences changeantes du ciel, sans préjudice des façons de juger ces apparences, qui sont toujours les mêmes.

Considérez-vous l’astrologie comme une science exacte ?

L’astrologie est basée sur une science exacte, mais elle n’est pas exacte parce qu’elle doit faire des « jugements » à partir de chiffres, à partir d’une apparence du ciel. L’apparence du ciel est exacte et elle doit être reportée avec fidelité dans toutes ses formulations. Il y a une vision astronomique de ces faits qui est évidemment une vision géocentrique des cycles et des apparitions lumineuses et il y a une syntaxe, c’est-à-dire des règles d’interprétation de ces apparitions lumineuses qui sont à la base de la technique de l’astrologue. La troisième chose qui doit découler des deux premières est de conjecturer ce qui peut arriver et l’astrologie est une conjecture, c’est-à-dire de ce point de vue un « jugement », et le jugement est vrai et certain lorsqu’il est exprimé avec art.

Pensez-vous qu’il soit possible de faire des prédictions exactes ?

Oui, c’est possible dans la plupart des cas, à condition toutefois de ne pas entrer dans les moindres détails. Parfois, cela peut sembler impossible, dans la mesure où l’on n’est pas confronté au même degré de difficulté dans tous les jugements.

En conséquence, je vous pose la question suivante : croyez-vous au libre arbitre ?

Nous avons en Occident un concept de libre arbitre très complexe. Je crois à la liberté de l’homme, au-delà de ce concept de libre arbitre. Je ne crois pas, par exemple, que les planètes soient des forces étrangères à l’homme, mais je ne crois pas non plus qu’un homme fasse une erreur ou soit forcé de faire une certaine chose à cause de l’influence d’une planète. Ce n’est pas le cas. Si un homme avait une volonté suffisamment forte, il pourrait faire des choses qui ne sont pas prévu dans son thème de naissance.

 J’en déduis que vous considérez que le destin est en principe déjà établi, mais que si un homme est suffisamment fort, il devient « l’artisan » de sa destinée.

Le destin est une combinaison de circonstances extérieures et de situations de caractère. Tout ce qui dépend du caractère est absolument modifiable en théorie mais est difficilement modifiable en pratique, c’est un fait. L’existence de la liberté indique donc que le caractère est toujours modifiable, elle démontre la possibilité qu’a l’homme de se corriger ou, si l’on veut, de devenir différent.

Mais si l’homme se corrige, il n’est plus possible de faire des prévisions exactes.

Non, ce n’est pas vrai, car à partir d’un certain caractère, certains événements s’ensuivent.Mais ces événements sont devant le personnage avant qu’ils ne se produisent. L’astrologue peut donc parler ainsi : étant donné votre caractère, ces événements vous attendent. Et l’auditeur peut raisonner d’une autre manière : étant donné ces événements, je dois changer de caractère.

Toujours en rapport avec le libre arbitre, comment voyez-vous la relation entre l’astrologie et la religion ?

Dans notre Occident chrétien, nous avons accepté l’astrologie en considérant les astres comme des causes secondaires de la volonté de Dieu ; au fond, ce n’est pas si différent de ce qui s’est passé dans l’islamisme.

Nous avons des exemples de peuples qui ont été qualifiés d’idolâtres, par exemple les Sabéens de Harran qui avaient un culte pour les astres afin de les plier à leur volonté. Il s’agit là d’un cas-limite où l’astrologie a atteint des formes de culte religieux. Mais c’est un cas. Nous ne pouvons pas dire que c’était exactement la relation des Chaldéens avec les astres. Les astres ont toujours fait partie du panthéon divin de toutes les religions, mais cela ne signifie pas que l’astrologie était une religion, et peu de peuples anciens vénéraient les astres.

Mais que pensez-vous de la relation qu’il peut y avoir entre l’astrologie et la religion ?

Une bonne connaissance de l’astrologie renforce la religiosité de l’homme.

Quelles sont les branches de l’astrologie qui vous intéressent le plus ?

Si je dois répondre dans un sens privatif sans considérer toutes les branches, je dirais principalement deux branches totalement différentes l’une de l’autre, l’une plus rationnelle, acceptée par tous les penseurs et philosophes jusqu’à la fin du XVIIe siècle, et l’autre qui a toujours été combattue. La première est météorologique, non pas parce qu’il est important qu’il pleuve ou qu’il y ait une sécheresse, mais parce que ces conditions affectent les récoltes, les produits de la terre et la tendance épidémiologique. L. 0a seconde concerne les questions : répondre à une question en vertu de la situation dans le ciel à ce moment-là, en bref, l’astrologie horaire.

Dans un thème natal, quels sont les éléments que vous considérez comme les plus importants ?

Je regarde toujours trois choses avant tout : la santé, le caractère et le type de résultat, c’est-à-dire le potentiel de la personne, son destin.

Et au niveau des facteurs d’interprétation horoscopiques individuels ? Quels sont les facteurs fondamentaux que l’astrologue d’antan avait l’habitude d’examiner ?

Ils changent d’un thème à l’autre, mais je dirais la relation que la Lune entretient avec le Soleil, ce qui signifie beaucoup de choses : examiner, par exemple, la syzygie d’avant la naissance, la Part de Fortune et sa relation avec son maître et avec les autres planètes ; et ensuite la position que les planètes ont par rapport à l’Ascendant ou au Soleil, leur mouvement d’ascension ou de descente, leur orientalité ou leur occidentalité. Ce sont les éléments fondamentaux.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite se lancer dans l’étude de l’astrologie ancienne ?

De bonnes lectures, une bonne connaissance de l’astronomie, en particulier de l’astronomie de position, telle qu’elle est expliquée par exemple dans certains textes d’astronomie nautique d’aujourd’hui. Eventuellement quelques bases de philosophie naturelle que l’on trouve ici et là dans certains ouvrages d’Aristote, c’est-à-dire les mêmes notions que celles que l’on apprend au lycée, revues avec un œil plus attentif. Mais c’est difficile, car l’idéal serait de pouvoir lire les textes dans la langue originale pour en comprendre le sens profond, ce qui n’est pas toujours possible.

Et pour ceux qui ne connaissent pas les langues classiques, quels textes lire ?

Pour l’astrologie arabe, on peut se référer à Nallino et Bausani. Mais il n’y a pas de texte qui explique les techniques de l’astrologie classique, le Bouché-Leclercq lui-même, qui est un texte fondamental, ne les explique pas.

Et en général la littérature est variée et fragmentaire : il y a ici et là quelques traductions anglaises, françaises ou espagnoles de textes astrologiques, comme celle de Dorotheus par Pingree, les traductions espagnoles sur certains astrologues arabes, comme l’Abenragel, et puis un texte du français Préaud sur l’astrologie médiévale, qui peut donner une idée générale du sujet. En revanche, pour ceux qui connaissent le latin, la bibliographie devient vaste ; cependant, je ne recommanderais pas d’étudier l’appareil critique de Ptolémée sur le texte, illisible sans commentaire, mais j’y consacrerais une étude particulière car c’est un texte qui a toujours été analysé.

Quels sont les textes, en dehors de Ptolémée, que vous considérez comme essentiels pour l’astrologie classique ?

Le texte du commentateur arabe Haly, le De diebus Decretoriis de Placidus de Titi et le commentaire d’Abenragel.

Utilisez-vous l’astrologie dans votre vie personnelle ?

Quand j’en ai besoin.

Si je ne me trompe pas, vous exercez l’astrologie à titre professionnel. Comment vous le conciliez avec votre activité de recherche ?

Oui, je pense que l’activité professionnelle est un devoir de l’astrologue, lorsqu’ il a compris la différence entre ce qu’on appelle le destin et ce qu’on appelle le libre arbitre.

Est-il possible de faire de la recherche innovante dans le domaine de l’astrologie oufaut-il se limiter à l’étude des textes anciens ?

L’analyse des textes anciens ne produit pas nécessairement quelque chose de valable car analyser des textes anciens sans avoir une base solidement établie, sans connaître  les principes sur lesquels repose la prédiction, ne sert absolument à rien.

En fait, aucun texte ancien n’est à l’abri d’une erreur ou d’une mauvaise interprétation.L’astrologue parfait, en pratique et en théorie, n’existe pas. Je voudrais cependant ajouter que je crois qu’il n’y a rien d’innovant à dire, non seulement en astrologie, mais aussi dans d’autres domaines. Mais il s’agit là de mon opinion personnelle. Ce serait injuste pour l’enthousiasme des chercheurs, car ils ont besoin de ce qui est innovant. Et en astrologie aussi, on fait toujours des découvertes, mais ces découvertes ne sont pas toujours nouvelles, elles sont souvent redécouvertes. Mais chaque redécouverte est quelque chose de vraiment nouveau, de personnel, une acquisition sûre.

Je vois que vous construisez à partir de ce grand globe une « sphère solide ».« Pourriez-vous m’expliquer comment vous allez l’utiliser ?

Elle évite en partie mes calculs, mais surtout elle montre le ciel à tout moment, d’aujourd’hui et d’hier, avec une vue d’ensemble immédiate et certaine pour la représentation tridimensionnelle ; en effet, elle est assez grande pour montrer clairement tous les degrés des principaux cercles de la sphère : l’écliptique, l’équateur, les colures, les cercles de latitude et toutes les étoiles.

Enfin, il a aussi une fonction didactique car il démontre facilement certains théorèmes astronomiques ; la conception de cet instrument est très ancienne. Il était fourni à chaque astrologue car, avec les tables, il faut une vue du ciel, que l’on n’a pas toujours à cause des nuages, pour voir le lever et le coucher des astres. De cette manière, une direction est immédiatement calculée. Lorsque l’on calcule l’arc de la direction, on ajoute l’arc au méridien, on avance le méridien de quelques degrés d’équateur et on trouve la position.

Qu’en est-il de la sphère armillaire ?

La sphère armillaire était la sphère non solide, celle dont les armilles ou les grands cercles étaient soudés ensemble, généralement en cuivre, et qui était creuse à l’intérieur. Sa fonction était principalement didactique pour montrer les mouvements et elle était plus petite et plus légère que la sphère solide, de sorte que l’astrologue pouvait la transporter avec lui.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Terminer le commentaire sur Ptolémée, ce qui est déjà beaucoup. Et puis je ressens un besoin vraiment urgent de constituer une anthologie gréco-arabe des « jugements », organisée par chapitres compréhensibles : positions en maisons des planètes, aspects, jugements des parts, jugements sur les nœuds lunaires, etc. Cela peut immédiatement donner une idée de la manière dont un signe, un indice est perçu. Ce sont des petits bijoux de grande valeur.

Quel rôle jouait l’astrologue dans la société des siècles passés ?

Les plus belles figures de l’Antiquité sont de deux types. Il y avait l’astrologue, qui pour nous aujourd’hui est plutôt la figure de l’astronome, et il était météorologue au sens propre du terme, c’est-à-dire qu’il prédisait les états du temps et les changements climatiques pour l’ensemble des citoyens. L’un de ces astrologues était, par exemple, Hipparque. L’autre figure était l’astrologue médical, c’est-à-dire celui qui étudiait et pratiquait la médecine,combinant prédiction et thérapie. En ce sens, la fonction de l’astrologue dans l’Antiquité était une fonction sociale, une fonction thérapeutique et préventive. Il y avait aussi une troisième figure, celle de l’astrologue plus minutieux, si l’on peut dire, c’est-à-dire l’astrologue qui ne devait pas nécessairement avoir une grande formation médicale. Il répondait au marchand, à l’homme d’affaires ou à l’homme politique pour lui indiquer comment intervenir au mieux dans l’avenir.

Et comment définiriez-vous l’astrologue de l’an 2000 ?

L’astrologue doit être un professionnel, pour ne pas dire un « artisan » au sens où pouvait l’être le membre d’une ancienne corporation d’arts et métiers ; ou plutôt un spécialiste qui a fait un vœu éthique, comme le médecin continue toujours à le faire. Sa fonction devrait être celle d’un consultant et, en fin de compte, il ne devrait faire ni plus ni moins que ce qu’il faisait il y a 2000 ans. Mais si aujourd’hui il connaissait, en plus de l’astrologie, quelques autres sujets, ce serait mieux et il lui serait plus facile d’être utile aux autres. Par exemple, s’il veut être utile à un agriculteur en connaissant un peu l’agriculture, s’il veut être utile à un malade en connaissant un peu la médecine, et s’il veut être utile à l’humanité, en général, en n’étant pas envieux et en étant assez empathique.

 

L’hommage en l’honneur de Giuseppe Bezza

L’hommage à Giuseppe Bezza a réuni samedi 15 juin 2024 des universitaires français et italiens. C’est la troisième fois, me semble-t-il, qu’a lieu en France la rencontre entre des universitaires et des astrologues.

Suite à la publication par Pierre Dupèbe des Epitres latines de Nostradamus, Robert Amadou a organisé le 1er juin 1985 à Aix-en-Provence un colloque entre des astrologues et des seiziémistes. L’ARRC a rendu compte de ce colloque en publiant le dossier Nostradamus préparé par Robert Amadou, dossier comportant la traduction des 51 lettres, la trentaine de thèmes astrologiques que Pierre Dupèbe avait omis d’insérer dans son ouvrage ainsi que les textes des interventions de Catherine Pellegrini, de Max Duval et de moi-même.

Charles Ridoux et Jean-Marc Pastré ont organisé les 16-18 juin 2002 au château de Rambures (Somme) la rencontre entre une dizaine d’astrologues et une dizaine de médiévistes. Ils ont rassemblé les textes des différentes interventions dans l’Astrologie hier et aujourd’hui, ouvrage édité en 2008 par les publications des universités de Rouen et du Havre.

Si les astrologues avaient rencontré lors  de ces deux colloques des spécialistes de littérature, ils ont rencontré ce samedi 15 juin des spécialistes non seulement de littérature ancienne mais aussi d’histoire. Si vous voulez écouter (ou réécouter) ces interventions passionnantes vous le pouvez en me commandant l’enregistrement pour une somme modique. Vous pouvez me contacter à ce sujet sur mon e-mail : lenobleyves@gmail.com

Sont disponibles sur ce replay toutes les interventions

Introduction d’Yves Lenoble

Interventions de Lucia Bellizia (début à 4’)

Antonio Panaino (26’)

Jean Dhombres (52’)

Pascal Charvet (1h22)

Patrizia d’Alessio (1h36)

Lecture de l’hommage rendu par Marco Fumagalli en 2014 (début à 2h17)

Joe Fallisi – le poème chanté qu’il a composé – (2h23)

Franco Martorelli (2h26)

Joe Fallisi (2h57)

Dominique Levadoux (3h28)

Michaël Mandl (3h37)

Lynn Bell (3h57)

Lecture du témoignage de Dorian Greenbaum (4h05)

Christian Julien (4h06)

Simone Sebban (4h17)

Françoise Moderne (4h46)

Gilles Verrier (5h10)

Suzanne Martel (5h14)

Yves (5h28)

Claudio Cannistra (5h31)

Yves Lenoble (5h36)

 

 

 

 

 

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