L’arbre généalogique du milieu astrologique français en 2003
Rares sont les astrologues français à s’intéresser au milieu astrologique sous l’angle généalogique. Pourtant cette approche est riche d’enseignements. Je voudrai profiter du thème de ce congrès Filiations et transmissions familiales en astrologie et psychologie pour explorer avec vous notre passé. Il est important de « se souvenir », de nous rappeler d’où nous venons, d’être conscient de ce que nous avons reçu pour à notre tour transmettre l’héritage en le faisant fructifier selon nos talents et les besoins de notre époque.
I UN DEMI-SIECLE DOMINE PAR L’ASTROLOGIE SCIENTIFIQUE (1900 – 1939)
A) Les pionniers de la renaissance et de la modernisation
L’astrologie est tombée en désuétude en France pendant le XVIIIème et le XIXème siècle. Aussi, au moment de la renaissance de l’astrologie, à la fin du XIXème siècle, l’une des premières tâches a été de « restaurer » l’astrologie. Fomalhaut dans son Manuel d’astrologie sphérique et judiciaire (1), redonne la parole à Ptolémée. Son manuel suit pas à pas La Tétrabible de Ptolémée, cette oeuvre du deuxième siècle qui, étant le livre de référence des astrologues, a été abondamment commenté pendant près de quinze siècles. A la même époque Henri Selva traduit le XXIème livre de l’Astrologia Gallica (2) de l’astrologue français Morin de Villefranche. Cet astrologue mathématicien à la cour de Louis XIV a relu de manière critique Claude Ptolémée et a composé, à son tour, en latin une œuvre immense dont une infime partie a seulement été traduit en français.
Mais à la même époque l’astrologie entend se moderniser et se différencier des sciences occultes. Paul Flambard (1867 – 1930) a dominé les trente premières années du XXème siècle. Il juge nécessaire de lutter pour l’autonomie de l’astrologie qui souvent est mélangée à l’onomancie, au tarot, à la kabbale. Pour faciliter les recherches statistiques il modifie la représentation du thème, prenant comme base non plus les planètes en maisons mais les planètes en signes. Choisnard – c’est le nom qui se cache sous Flambart – entend reprendre Ptolémée et ne garder que ce qui est vérifié par l’expérimentation et prouvé par la statistique. Ces nouvelle idées sont consignées dans plusieurs ouvrages, notamment dans son traité Le langage astral (3).
Il est intéressant de noter que pratiquement tous les astrologues ont des pseudonymes pendant la première moitié du XXème siècle. Barlet c’est Albert Faucheux, Fomalhaut c’est l’abbé Nicollaud, Abel Haatan, c’est Abel Thomas, Henri Selva c’est André Vels, Rumélius c’est Armand Barbault, Don Nécroman c’est Rougié et Symours, c’est Conneau. La mode va se perpétuer après guerre avec Hadès et Hieroz, respectivement Alain Yaouanc et Jean Rozières. L’astro-psychologie va cesser d’adopter cette mode typique des prêtre, ingénieur et professeur de lettres de la première moitié du XXème siècle qui voulaient rester discrets.
B) La génération SAF (Société d’Astrologie française)
D’après le vicomte Herbais de Thun qui a écrit un ouvrage (4) racontant par le menu tout le détail de ce qui s’est passé dans le milieu astrologique pendant la première moitié du vingtième siècle, la vie associative astrologique ne prend vraiment corps que le 24 Novembre 1927, date à laquelle le colonel Maillaud crée la société d’astrologie française (S.A.F.). On retrouve dans cette association qui se réunit tous les mois et qui publie une petite revue. les grands noms de l’astrologie française : Choisnard et son jumeau Eudes Picard, Selva, Gouchon, Volguine, Janduz. En 1929 se déroule une polémique entre le Colonel Maillaud et Janduz, qui aboutit à l’exclusion de Janduz, tout cela semble-t-il parce que Janduz (le pseudonyme de Jeanne DUZEA) avait mentionné dans son livre° « Méthode d’interprétation du Bélier et de Mars » le nom du colonel Maillaud sans son autorisation. Je signale ce petit détail parce qu’il témoigne déjà de la susceptibilité excessive des astrologues français.
LA SAF organise en 1937 à Paris pendant l’exposition universelle un congrès international d’astrologie scientifique. Il y aura 60 communications, 250 congressistes ; 23 nations représentées. En l’absence du colonel Maillaud –malade-, c’est André Boudineau qui préside ce congrès. La plupart des titres des communications témoignent du souci de rendre l’astrologie scientifique. Nous voyons à quel point nos prédécesseurs ont le souci d’adapter l’astrologie à la mentalité moderne.
Il est important de signaler que Don Necroman avait organisé en Juin 1937 un « Congrès international d’astrologie rationnelle ». Cet astrologue qui avait une petite association entendit profiter de la publicité faite autour de ce premier congrès international pour récupérer quelques semaines avant une partie du grand public intéressé par l’astrologie. il y eût cinq mois plus tard en Novembre 1937 des exclusions : le trésorier Camiade, Gouchon, Mme de Télème. Il s’ensuivit le 8 Juin 1938 la création d’une association concurrente l’Union Française d’Astrologie (l’U.F.A.) avec De Camiade, Mme de Télème, Lasson (président), Caslant (Président d’Honneur). La guerre allait mettre fin à la vie de ces deux associations.
Date importante : en janvier 1938 Volguine fonde une revue astrologique bimensuelle les Cahiers Astrologiques.
II LA GENERATION DE L’ASTROPSYCHOLOGIE (1946 – 1974)
A) Les Cahiers astrologiques
La guerre va marquer l’interruption de toute activité astrologique. Les réunions de la SAF n’ont plus lieu. Les Cahiers astrologiques cessent de paraître. De grands astrologues meurent pendant la guerre (Caslant, Selva, Krafft). Alexandre Volguine refait paraître Les Cahiers astrologiques dès Janvier 1946, revue qui va paraître tous les deux mois pendant trente ans.
Nous fêtons ce mois-ci le centenaire de sa naissance. L’occasion de rendre hommage à cet être à l’esprit encyclopédique qui se dévoua à la cause astrologique et qui donna la parole à bon nombre d’astrologues, même s’il ne partageait pas ses opinions… Outre cette revue, Volguine publiera un douzaine de livres sur les sujets les plus variés. Il va être également éditeur, publiant des ouvrages que les autres éditeurs n’auraient jamais publiés : par exemple L’astrologie selon J.B. Morin de Villefranche de Hiéroz.
B) La génération CIA (Centre International d’Astrologie)
L’influence de Choisnard reste présente en 1946 puisque l’association fondée juste après la guerre, le 7 Octobre 1946 à 13h à Sèvres, inclut le mot « scientifique » dans son titre : Centre International d’Astrologie Scientifique ( CIAS ). Le premier président Jan de Niziaud indique que ce centre est la réalisation de la pensée d’Edouard Symours. Ses buts : rassembler des données ; expérimenter ; mettre sur pied un ordre des astrologues. Le CIAS comprend six sections, la section psychologie est particulièrement active. Cette section dirigée par André Barbault poursuit pleinement les deux premiers buts indiqués dans les statuts du CIAS. Elle poursuit également d’autres buts : construire l’interprétation ; édifier la symbolique de chaque planète. Le « S » de CIAS est vite jugé inutile et dès 1947 le CIAS devient tout simplement le CIA, Centre International d’Astrologie.
André Barbault sait être un véritable animateur de la vie astrologique. Tous les samedis, 15 à 20 passionnés d’astrologie se retrouvent dans son petit studio de la rue Mouffetard pour parler astrologie, lancer de nouvelles idées, les soumettre à la critique parfois féroce des amis. Il anime – avec son ami Jean Carteret – les réunions bihebdomadaires du CIA, et devient le porte parole efficace de cette astrologie psychologique. La section psychologie publie coup sur coup : 450 thèmes de musiciens, recueil de peintres, analogie de la dialectique Uranus-Neptune (6), Jupiter et Saturne, Soleil et Lune. Signalons au passage que la dominante uranienne et neptunienne du thème du CIAS-CIA se retrouve également dans les thèmes des astrologues constituant le noyau du CIAS-CIA (Barbault, Santagostini, Carteret). J’ai déjà évoqué cette similitude dans une conférence du congrès sep Hermès consacré en Novembre 1997 à la synastrie (pour plus de détails se reporter aux actes de ce congrès).
De même que la SAF a organisé le quatrième congrès international en 1937, le CIA s’occupe en 1953 de l’organisation du septième congrès international qui durera près d’une semaine entre le 28 Décembre et le 2 Janvier 1954 (7). Il y eût une centaine de participants pour entendre des astrologues de sept pays, la comtesse autrichienne Zoé Wassilko facilitant les échanges grâce à sa connaissance des langues. Peut être y aurait-il eu davantage de participants si Alexandre Volguine n’avait pas refusé d’annoncer ce congrès dans les Cahiers Astrologiques.
Les rapports entre le CIA et les Cahiers astrologiques vont s’améliorer après ce congrès. Le CIA a besoin de pages dans une revue et les Cahiers astrologiques ont besoin d’abonnés. Un accord va être trouvé. La revue publie le compte rendu des réunions bimensuelles du CIA et, en échange, la plupart des membres du CIA s’abonne aux Cahiers. Pendant cette période d’heureuse collaboration la revue va s’étoffer et publier trente numéros spéciaux thématiques entre 1957 et 1967, dont plusieurs consacrés à l’astrologie mondiale et à l’astrologie médicale. Le sommaire de chaque cahier est consultable sur le site de la FAES (24).
Pendant que se développe un courant d’astropsychologie, Michel et Françoise Gauquelin, deux chercheurs en statistique réunissent plusieurs milliers de données de naissance. Leurs travaux font apparaître pour certaines professions une surfréquence de certaines planètes au lever ou à la culmination supérieure (Mars pour les militaires par exemple). Même si les Gauquelin n’ont jamais voulu être considérés comme des astrologues, leurs travaux ont toujours beaucoup intéressé la communauté astrologique. Dans leur premier livre (8) ils ont parlé de Choisnard en le critiquant, indiquant par là leur filiation avec le courant de l’astrologie scientifique.
L’astrologie psychologique a le vent en poupe. André Barbault sait vulgariser l’astrologie auprès du grand public. Grâce à l’appui de l’écrivain François Régis Bastide il parvient à publier aux Editions du Seuil, en 1955, douze petits volumes consacrés à la symbolique des signes. Le vif succès de ces volumes tirés à plusieurs millions d’exemplaires permet à André Barbault de publier en 1961 l’ouvrage théorique de l’astropsychologie écrit déjà depuis quinze ans et qu’il n’a pu réussir à éditer : « De la psychanalyse à l’astrologie » (9). A la même époque les Editions du Seuil lui commande un traité d’astrologie qu’il écrit en quelques mois. Ce livre (10) qui connaît un véritable succès sera traduit en italien, en espagnol et en portugais, succès qui ne s’est pas démenti depuis plus de quarante ans.
Tout en s’appuyant sur des données traditionnelles, ce traité reprend, quand on y regarde de près, bien des principes de Choisnard : importance de l’angularité des planètes, concentration sur ce qui a un fondement astronomique (dix planètes, douze signes, douze maisons et les aspects majeurs) ; pratique d’une astrologie expérimentale.
Barbault et Choisnard présentent en effet bien des points communs. Comme Choisnard, Barbault a le même souci de désocculter l’astrologie et la défend avec les mêmes talents de polémiste notamment en s’appuyant sur le constat statistique des Gauquelin.
Tous deux sont à la recherche de corrélations solides. André Barbault a sans cesse recours à la méthode comparative pour dégager de nouvelles significations aux planètes, aux planètes en signes, etc. comme pour, au niveau de l’astrologie mondiale, établir des corrélations entre les phases des cycles planétaires et les évènements de l’histoire (11).
Les livres qui vont être écrits par la suite ne pourront s’empêcher de se référer aux ouvrages d’André Barbault. Il est donc du plus haut intérêt de voir quels sont les maîtres de Barbault. Au niveau astrologique : Choisnard et, plus avant, Morin et Ptolémée ; au niveau psychologique : Freud, Allendy.
Le Traité pratique d’astrologie (10) joue le rôle de catalyseur. Chaque astrologue qui écrit se situe par rapport à cet ouvrage. Claire Santagostini, une ancienne élève et collaboratrice d’André Barbault , critique en 1965 dans Horoscopie cartésienne (12) ce traité pratique qu’elle trouve trop analytique et prône beaucoup plus de globalité dans la pratique de l’astropsychologie. Cette même année 1965 Jean-Pierre Nicola publie son premier ouvrage La Condition Solaire (13) . Ce chercheur qui considère comme essentiel d’articuler convenablement le conditionnement cosmique avec les autres conditionnements (sociologique, biologique, etc.) s’intéresse aux corrélations entre la typologie de Pavlov et les types zodiacaux.
1965, c’est aussi la sortie du livre antiastrologique de Gauquelin « L’astrologie devant la science ». Volguine, Barbault et Nicola s’associent pour critiquer le brulôt de Gauquelin.
1965, l’année de la conjonction Uranus-Pluton, est en fait une année clé. C’est en quelque sorte l’année où plusieurs astrologues se définissent et se différencient les uns des autres. La longue période de l’entente cordiale touche à sa fin et ne va plus durer que quelques mois.
C) La période des conflits ouverts (1967 – 1974)
C’est au moment où l’astrologie intéresse de plus en plus le public et commence à se vulgariser qu’éclate en 1967 le conflit entre Barbault et Volguine, entre le CIA et les Cahiers astrologiques. Barbault participe en 1967 à la création d’Ordinastral, une société qui délivre des thèmes par ordinateur. Parce qu’il a prêté son concours à la création de cette société il est critiqué par plusieurs de ses confrères. Il démissionne de sa fonction de vice-président du CIA.
Avec cette démission, une page se tourne ; le CIA perd son âme. André Barbault accepte néanmoins d’être rédacteur en chef de la revue créée par le CIA et publiée par les Editions Traditionnelles, l’Astrologue. Il va maintenant mettre toute son énergie dans le succès de cette revue.
Le CIA confie à Jacques Berthon, Jean-Pierre Nicola, Paul Colombet et Régine Ruet de créér une école, le CEFA (Centre d’Enseignement et de Formation à l’Astrologie). Jusque là les astrologues restaient confinés dans leur petit milieu. Maintenant ils adoptent une attitude plus active vis à vis de la société. Néanmoins des tensions surgissent entre eux car ils n’envisagent pas du tout l’avenir de la même manière.
Berthon n’a pas sur le plan juridique et financier les mêmes conceptions que Nicola, c’est la crise au CEFA. Berthon crée son école, l’Ecole Supérieure d’Astrologie de Paris (ESAP) tandis que Jean-Pierre Nicola donne en 1972 une orientation conditionaliste au CEFA en intégrant à l’équipe de professeurs Yves Lenoble et Max Lejbowicz. Il faut signaler que Claire Santagostini faisait déjà cavalier seul et qu’elle avait créé en 1967 avec François Villée son école d’astrologie globale, l’A.I.A. (Académie Internationale d’Astrologie). En 1974 c’est le conflit ouvert entre Barbault et Nicola.
Nous sommes loin de cette période d’entente cordiale où Barbault, Carteret, Gauquelin, Nicola, Volguine, Santagostini et tant d’autres coexistaient pacifiquement. Le milieu astrologique a volé complètement en éclat en un laps de temps de sept ans. Les conflits qui ont eu lieu pendant ces sept ans marquent à mon sens encore l’inconscient du milieu astrologique, notamment les conflits Barbault-Volguine et Barbault-Nicola.
III LA STRUCTURE EN RESEAU DE L’ASTROLOGIE FRANCAISE CONTEMPORAINE
A) Renaissance des congrès
Un jeune astrologue, Patrice Louaisel créé en 1974 au sein du CIA un laboratoire de recherches en astrologie qui va devenir le Geras (groupement d’étude et de recherche en astrologie scientifique). Tiens, tiens : le « S » DE CIAS abandonné par le CIA refait surface… Alors que le CIA est parisien, le GERAS se développe surtout en province… Ce groupe à tendance œcuménique subira de plus en plus l’influence d’un courant qui est en train de se développer, le courant d’Alex Ruperti partisan d’une astrologie humaniste. Aussi le. GERAS deviendra en 1982 le GERASH (groupement d’étude et de recherche en astrologie scientifique et humaniste).
L’ISAR, une association astrologique américaine, et Jacques Halbronn, vice-président du CIA organisent en 1974 à Paris à l’Hôtel le Méridien un congrès qui fera date. Interviennent à ce congrès : Barbault, Ruperti, Nicola, Colombet, Ruet, Halbronn, Louaisel, De Surany. J’y donne ma première conférence. Il est intéressant de remarquer la présence de la jeune génération parmi les organisateurs et les conférenciers. Ce congrès inaugure la série ininterrompue des congrès astrologiques.
Jacques Halbronn, en 1976, démissionne du CIA, crée le Mouvement Astrologique Universitaire (M.A.U.) et organise chaque année un congrès (14). En 1977, le CIA décide de sa dissolution et certains des membres de l’équipe restante décide de reprendre le nom de SAF. Mais Jacques Halbronn profite de la maladie de Paul Colombet pour déclarer avant lui la SAF à la préfecture. L’association dirigée par Paul Colombet est obligée de renoncer à s’appeler la SAF pour s’appeler la SFA (la Société Française d’Astrologie). Cette association va, elle aussi, organiser chaque année un congrès. Colette Cholet qui accueille chaque été des stages dans sa maison de Dieulefit (Drôme), va à la mort de Paul Colombet prendre les rênes de l’association.
Je crée mon école en 1975 et je m’isole de l’ambiance de combats fratricides en créant en 1977 l’Association pour la Recherche des Rythmes Cosmiques (A.R.R.C.) qui organise une réunion mensuelle où interviennent tour à tour les divers acteurs de l’astrologie française.
B) Les années 80 : développement d’une vie associative astrologique structurée en réseau
Le GERAS se développe, multiplie ses cercles locaux, développe sa banque de données et se dote d’une revue : Astralis. Mais différents courants astrologiques apparaissent en France dans les années 80.
Un courant d’astrologie karmique se développe avec Irène Andrieu (15) qui, en 1982, publie Initiation à l’Astrologie d’évolution et crée à Paris son école. Ce courant accorde dans l’interprétation d’un thème une grande importance aux nœuds lunaires et aux planètes rétrogrades.
Le courant d’astrologie conditionaliste de Jean-Pierre Nicola s’organise en 1980. Le centre d’organisation du Mouvement d’astrologie conditionaliste (COMAC) entend regrouper ceux qui soutiennent que le thème de naissance n’est pas un absolu. Ses membres qui ne se situent pas dans une perspective symboliste, estiment qu’il est indispensable d’interpréter ces configurations célestes en fonction des conditions terrestres définies par l’hérédité, l’éducation, les déterminismes familiaux et socio-culturels de chaque époque.
Le courant humaniste, quant à lui, se constitue autour d’Alex Ruperti qui publie en 1981 Les cycles du devenir (16). Ce grand voyageur, ainsi que quelques uns de ses disciples (notamment Jean-François Berry), sillonnent la France pour diffuser la pensée de Rudhyar. Le nombre de leurs élèves augmentent très rapidement. Ils décident en 1984 de s’organiser en association et crée le réseau d’Astrologie Humaniste (le R.A.H.).
En 1986 le GERASH traverse une grave crise qui aboutit à sa dissolution. Maurice Charvet, qui était l’un des piliers du GERASH, fonde le « Centre de documentation et de recherches en astrologie » (CEDRA). Il poursuit la publication de la revue Astralis, met la base de données de naissance sur Minitel. Il crée « Maison III » une lettre bimestrielle d’informations et édite des ouvrages astrologiques à des prix très abordables, dont la très pédagogique initiation aux directions primaires de Danièle Jay (17). Il organise de temps un temps un congrès. L’association va se développer régulièrement pour devenir le groupe astrologique français le plus important. Le Cedra ne fonctionne plus en s’appuyant sur des cercles locaux. On notera que dans CEDRA il n’y a plus de « H » ni de « S ». L’absence de H est logique puisque existe maintenant le RAH. Mais, ce qui est plus significatif, c’est la perte du « S ». Se reproduit ainsi la répétition de ce qui s’était passé avec le CIAS qui avait perdu son « S » en 1947. On verra dans quelques instants comment ce « S » va bientôt réapparaître.
On notera autour de 1985 deux tentatives de fédération. Danièle Rousseau regroupe en 1984 au sein de la Fédération Francophone d’Astrologie (F.F.A) Alex Ruperti, Marief Cavaignac, Jean-François Berry, Marielle Garel, André Barbault, Joëlle de Gravelaine, Solange de Mailly Nesle, Yves Lenoble tandis qu’un groupe concurrent se crée en 1985 autour de Denise Daprey, la Fédération des Enseignants en astrologie (F.E.A.). La F.F.A. donna l’occasion à Marielle Garel, Solange de Mailly Nesle, Marie Cavaignac, Jean-François Berry et Yves Lenoble de se rencontrer. Par la suite ils se retrouvèrent régulièrement et créèrent l’association « Mercure » dans le but d’organiser des stages d’été.
Solange de Mailly Nesle, qui a déjà publié deux ouvrages importants L’astrologie (18) et l’Etre cosmique (19) s’associe en 1989 avec trois astrologues (Joëlle de Gravelaine, Aline Gorry et Yves Lenoble) et une psychologue pour créer le Groupement des Astropsychologues Professionnels (GAPP) devenu rapidement l’Association Générale des Astropsychologues Professionnels (Agapè).
Ce courant préconise une approche symbolique de l’astrologie et juge indispensable d’enseigner aux élèves les notions psychologiques de base. L’école va connaître une belle expansion. Martine Barbault, Marie-Noëlle Baudron et Catherine Gestas (qui dirige elle-même une école d’astrologie) ont rejoint le premier noyau. Catherine Aubier, Lynn Bell, Frédérique Dambreville y ont donné pendant plusieurs années des cours. L’école regroupe maintenant dix astrologues, trois psychologues.
C La synergie salon / congrès malgré les scissions au sein du milieu astrologique
L’ARRC, soutenu par les membres de « Mercure » a organisé en mars 1990 des journées d’études sur Mercure qui ont réuni 150 personnes. L’ARRC a renouvelé l’expérience au Palais des Congrès les années suivantes en couplant le congrès avec un salon. Le salon (organisé par Marie Mercier et Francis Santoni d’Auréas, José Gonzalès de Logistel et Christophe de Cène d’Asteria) permet aux éditeurs de livres, aux libraires, aux responsables d’associations astrologiques et aux concepteurs de logiciels de se faire connaître. Particularité du congrès suivi chaque année par plusieurs centaines de personnes : on peut y entendre chaque année un astrologue venu de l’étranger ou une personnalité qui n’est pas astrologue mais dont les connaissances peuvent être très utiles aux astrologues. Ainsi sont venus successivement Alain Toussaint, Charles Harvey, Liz Greene, Stephen Arroyo, Annick de Souzenelle, Jean Yves Leloup, Dominique Levadoux, Bernard Melguen, Pascal Charvet, Robert Hand, Guiseppe Bezza, Grazia Mirti, Dante Valente, José Luis San Miguel de Pablos. Sep-Hermès publie les actes de ces congrès quatre mois plus tard. Les sommaires des actes des congrès passés sont consultables sur le site sephermès (20). Cette synergie met en évidence la structure en réseau qui est devenue la caractéristique de l’astrologie française depuis la disparition du Centre International d’Astrologie.
En 1992, Francis Santoni, Françoise Gauquelin, Yves Lenoble et Suzel Fuzeau-Braesch (du Centre National de la Recherche Scientifique) créent le groupe « Recherche en astrologie par des méthodes scientifiques » (RAMS). Le « s » perdu revient. Francis Santoni, créateur en 1986 de la société Auréas qui produit et diffuse les éphémérides et les logiciels astrologiques les plus utilisés en France, met ses compétences informatiques au service de ceux qui s’intéressent aux recherches d’ordre statistique. Suzel Fuzeau-Braesch, qui a longtemps dirigé un laboratoire de biologie à la Faculté des sciences d’Orsay près de Paris, profite de cette aide. Elle a publié le nouveau Que sais-je sur l’astrologie (21) qui donne de notre discipline une présentation beaucoup plus objective que celle proposée jadis par l’astronome anti-astrologue Paul Couderc. Elle fait part des résultats de ses recherches dans les Cahiers du RAMS qui paraissent une fois l’an. Ses recherches sur les jumeaux seront publiées dans son ouvrage L’astrologie : la preuve par deux (22). Didier Castille a rejoint le RAMS. Ce chercheur effectue des recherches statistiques sur l’hérédité astrale à partir de millions de données obtenues auprès de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE).
En 1992 Robert Jourda quitte le CEDRA et crée le Rassemblement des Astrologues occidentaux (RAO). Ce groupe va reprendre la tradition du GERAS d’avoir une présidence tournante, d’implanter des cercles locaux. Il innove en incitant les astrologues à passer des mémoires à la fin de leur formation. La présidente actuelle Michèle Raulin (qui a succédé à Yves Christiaen) organise chaque année une ou deux sessions de soutenance de mémoire. Franck Nguyen est, quant à lui, responsable de la revue de l’association 3*7*11.
Une scission du RAO a lieu en 1995 et donne naissance le 21 mars 1996 à la Fédération des astrologues Francophones (FDAF). C’est Alain de Chivré qui en est le président depuis sa fondation. Il entend promouvoir l’astrologie auprès des medias et du grand public et obtenir une reconnaissance de la profession auprès des pouvoirs publics.
A la fin des années 90 l’accent est mis également sur l’astrologie ancienne. Plusieurs astrologues s’intéressent au projet américain « Hindsight Project » qui s’est donné pour tâche de traduire le maximum de textes anciens en anglais. Denis Labouré, qui n’avait pas attendu cette période pour s’intéresser à cette forme d’astrologie, s’est fait l’écho de toutes ces recherches dans son ouvrage « Les origines de l’astrologie » (Rocher, 1997).
D) Le succès d’Internet accentue le développement de la structure en réseau de l’astrologie française
Les astrophiles français semblent s’adapter à la multiplicité actuelle des revues, des écoles et des associations. Certains sont membres de plusieurs associations, suivent l’enseignement de plusieurs professeurs et s’abonnent à plusieurs revues : L’astrologue, Astralis, voire Urania, la revue d’Arielle Aumont créée en 1991.
Les astrologues ont su depuis 1997 tirer parti de cet outil incomparable qu’est Internet. Le Cedra crée, outre son site, une liste de diffusion comprenant plus de 200 participants. Fanchon Pradalier Roy, directrice de collection au Rocher, crée Univers-site. Ce site dispense sur Internet un enseignement de l’astrologie et publie chaque mois une revue dans laquelle plusieurs astrologues écrivent régulièrement. Une université d’été à Montpellier permet chaque année aux membres de ce site de se retrouver.
Patrice Guinard qui a soutenu en Sorbonne en 1993 une thèse de philosophie sur l’astrologie crée en Novembre 1999 sur Internet le Centre universitaire de recherche en Astrologie (CURA) qui fonctionne à travers un journal en français, anglais et espagnol.
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
La structure en réseau qui caractérise actuellement notre astrologie est-elle une preuve de vitalité ou bien une preuve de dispersion ? Traduit-elle la richesse de notre milieu ou bien notre incapacité à nous organiser collectivement ? A chacun d’apprécier la situation actuelle de l’astrologie française.
Quoiqu’il en soit, il est incontestable que 1967 – 1974 a été une période particulièrement meurtrière qui marque encore le milieu astrologique français. Des réconciliations seraient les bienvenues afin d’améliorer le climat. Pour l’avenir il me semble au moins nécessaire d’oeuvrer dans trois directions :
- poursuivre le travail sur les textes anciens afin de mieux connaître la pensée de nos prédécesseurs ;
- continuer l’œuvre de modernisation et d’adaptation de l’astrologie ;
- continuer la vérification aussi bien des postulats de l’astrologie ancienne que de l’astrologie moderne.
L’entrée d’Uranus en Poissons devrait aider à aller simultanément dans ces diverses directions. Puissions nous grâce à cette configuration continuer à développer notre spécificité française tout en multipliant nos liens avec les astrologues des pays voisins. C’est ce que nous avons commencé à entreprendre au sein de la FAES (24) avec nos confrères italiens, espagnols et grecs en 2000 à Mykonos et l’été dernier à Montpellier. C’est ce que nous continuerons de réaliser l’an prochain en Italie lors du congrès biannuel de la FAES.
BIBLIOGRAPHIE
(1) Fomalhaut, Manuel d’astrologie sphérique et judiciaire, Vigot, 1897
(2) Selva H., le XXIème livre de Morin de Villefranche, Théorie des déterminations astrologiques, Editions Traditionnelles, Paris, 1902 (réimpression 1984)
(3) Choisnard P., Le langage astral, Paris, Chacornac, 1903
(4) Herbais de Thun C., Encyclopédie du mouvement astrologique de
langue française, Demain, Bruxelles, 1944
(5) Actes du congrès de 1937, SAF, 1937
(6) Barbault A., Analogies de la dialectique Uranus- Neptune, Editions
traditionnelles, 1950
(7) Le 7ème congrès international d’astrologie de 1953, Astrologie moderne n°10
(8) Gauquelin M., L’influence des astres – Etude critique et expérimentale
Le Dauphin, Paris, 1955
(9) Barbault A. De la psychanalyse à l’astrologie, Le Seuil, 1961
(10) Barbault A. Traité pratique d’astrologie, Le Seuil, 1961
(11) Barbault A. Les Astres et l’Histoire, Pauvert, 1967
(12) Santagostini C., L’horoscopie cartésienne, Editions traditionnelles, 1965
(13) Nicola J.P., La Condition solaire, Editions Traditionnelles, 1965
(14) Halbronn J., le Guide de la vie astrologique, Guy Trédaniel et Grande
Conjonction, 1984
(15) Andrieu I, Initiation à l’Astrologie d’évolution, Dangles, 1980
(16) Ruperti A., les cycles du devenir, Le Rocher, 1981
(17) Jay Danièle, La pratique des directions primaires, Cedra, 1993
(18) Mailly Nesle S., L’astrologie, Nathan, 1981 (réédité aux Editions La Martinière, 1994)
(19) Mailly Nesle S., L’Etre cosmique, Flammarion, 1985
(20) Actes des congrès Sep Hermes dont les sommaires se trouvent sur le site www.yveslenoble.com
(21) Fuzeau Braesch, S., L’astrologie Que sais-je ?, Paris, 1989
(22) Fuzeau Braesch, S., L’astrologie : la preuve par deux, Laffont, Paris, 1992
(23) Labouré D., Les origines de l’astrologie, Le Rocher, 1997
(24) www.aureas.org/faes/francais témoigne des travaux de la Fédération d’astrologie d’Europe du Sud (FAES)