Jacques Berthon

Jacques Berthon avait deux passions :    le théâtre et l’astrologie.

Interview de Didier Geslain

YL : Tu as bien connu Jacques Berthon. Je crois qu’avant de se lancer dans l’astrologie il faisait du théâtre.

Oui, il a commencé par le théâtre. Il est né à Châtellerault le 21 février 1926 à 7h30.

Il m’a raconté que sa chambre jouxtait une salle de cinéma. Il écoutait et apprenait les répliques par cœur.

Quand il est monté à Paris il a trouvé une annonce pour un emploi à la comédie française. Il y rencontre une personne qui apprend son rôle pour candidater au cours Simon. Elle répète avec un ami qui lui donne la réplique. Jacques  l’aide à répéter son rôle. Mais le jour J l’ami ne peut pas lui faire la réplique. Cette personne appelle Jacques Berthon qui accepte de donner la réplique.
René Simon – impressionné par le talent de Jacques – lui suggère de candidater. Il l’accepte dans son cours  non pour devenir acteur mais pour se préparer à être professeur d’art dramatique. Ce qu’il est devenu.

Il découvre par la suite l’astrologie  sans doute lors d’une conférence d’André Barbault au CIA. Il est fasciné par ses livres et devient vite un adepte  de l’astropsychologie.

(YL : Lorsque le CIA  (Centre international d’Astrologie) lui propose de donner des  conférences, il choisit de parler sur les signes. Il commence par les  Poissons, continuant l’année suivante à rebours par le Verseau puis une année plus tard par le Capricorne. Le jour où il parle, le CIA fait salle comble  tant Jacques est un conférencier remarquable.

Quand le  CIA  crée en 1970 le  CEFA (Centre d’Enseignement et de Formation à l’Astrologie) il en est un membre fondateur avec Jean-Pierre Nicola,  Paul Colombet et Régine Ruet.
Mais, suite à un désaccord sur la conduite de l’association, il se sépare des autres membres fondateurs et crée l’ESAP (l’Ecole Supérieure d’Astrologie de Paris).

 

Peux-tu nous parler de son école dont tu as été un des premiers élèves.

A cette époque l’enseignement est sur 5 ans : il avait comme assistante Monique Kalinine qui donnait des cours sur l’astronomie et  certains complexes. .

1ère année : les bases

2ème année astro psychanalyse

3ème année astro-sexologie

4ème année astro-mythologie (peu de personnes y assistaient)

5ème année : astrologie traditionnelle : Morin de Villefranche

Le diplôme était décerné aux élèves qui avaient passé avec succès les examens et réussi leur mémoire.

Les cours étaient enregistrés, ce qui lui permettra plus tard de lancer des cours par correspondance. Chaque mensualité était de 100€ je crois.

C’est plus qu’un enseignement astropsychologique. C’est un enseignement spirituel. Il aime les mystiques : Teilhard de Chardin, Thérèse d’Avila. Il pleure quand il raconte la vie de Sainte Thérèse de Lisieux.

Il a également créé Astrothéâtre où  il fait jouer à chacun le rôle le plus adapté à  la problématique de son thème.

A la fin de sa vie il détruit toutes ses cassettes et tous ses documents. Il interdit de dupliquer ses cassettes.

Jacques en voulait  à André Barbault de ne pas l’avoir soutenu lors de son conflit avec Jean-Pierre Nicola. Je suis heureux d’avoir réussi à convaincre Jacques de renouer avec André Barbault. La photo prise lors de la fête des 30 ans de la revue l’Astrologue en témoigne.

 

Ses Publications

L’univers des Poissons aux Editions traditionnelles

300 thèmes de notabilités

Le monde du Capricorne (probablement épuisé)

Les magies du Scorpion (probablement épuisé)

Il est le premier rédacteur en chef de la revue du CIA Trigone (7 numéros sous sa direction).

Le témoignage de Marie-Paule Baicry

C’est le 8 avril 2014 que disparaissait à l’âge de 88 ans l’astrologue Jacques Berthon, dont Didier Geslain annonça le décès en le nommant justement « L’Enchanteur » ! Plus qu’un professeur, il fut pour moi un maître, dont l’enseignement modifia le cours de ma vie, et que je ne remercierai jamais assez pour tout ce qu’il m’apporta. Avec Monique Kalinine, il fonda une école d’astrologie à Paris, l’ESAP (Ecole Supérieure d’Astrologie de Paris), et eut la géniale idée de dispenser ses cours par correspondance par l’intermédiaire de ses merveilleuses « astrocassettes », ce qui me permit, comme à bien d’autres étudiants, d’en profiter avec bonheur depuis mon Alsace natale. Un enseignement d’une richesse inouïe qui non seulement m’ouvrit à une astrologie intelligente et lumineuse, mais qui fut pour moi un véritable bain de culture générale, aussi passionnant que formateur. Jacques Berthon en effet, illustrait toujours abondamment son propos par de nombreux thèmes d’exemples de personnalités connues dont il déroulait, avec art et passion, la vie et l’œuvre. C’était, et c’est encore, un vrai bonheur de l’écouter ! Cultivé, novateur, il explora les méandres de la psyché humaine et créa des ponts entre psychanalyse et astrologie : il fit en effet un travail remarquable sur les complexes psychologiques, allant jusqu’à en « inventer » un certain nombre. Mais son enseignement fut spirituel aussi, et son exploration de la mythologie gréco-romaine, novatrice, constitua et constitue encore un apport considérable dans la compréhension en profondeur de l’âme humaine à travers ce qu’il appela l’astromythologie. Egalement homme de théâtre, il fréquenta la Comédie Française dans sa jeunesse, et fut professeur au prestigieux cours Simon avant de fonder lui-même une école de théâtre à Paris (y associant d’ailleurs « astres et théâtre »), et enfin à Reims où il enseigna jusqu’en 2012 ( !), tout en donnant également des consultations. Sans conteste, son amour de la langue française, sa passion pour la littérature et la poésie, son art de la parole et de la mise en scène furent une richesse supplémentaire qu’il mit au service de ses cours d’astrologie, de ce fait rendus plus vivants et plus passionnants encore. Libre et indépendant, il ne supportait pas la médiocrité, et fustigeait volontiers la bêtise d’un monde absorbé par le matérialisme et le consumérisme ambiants et ayant balayé d’un revers de main la dimension sacrée de la vie. Aussi, dans ses cours, invitait-il chacun à travailler et à penser par lui-même, à oser s’affranchir des diktats d’un monde formaté pour trouver son propre chemin en toute autonomie, et à occuper sa juste place, unique et originale, dans la mosaïque de l’humanité, sans attente d’une quelconque reconnaissance. Il incitait chacun à faire de sa vie une œuvre en se dépassant et en développant ses talents sans relâche, en s’élevant vers les plus hauts sommets de lui-même1, en devenant un « alpiniste de la vie », disait-il, afin d’élargir sa vue sur le monde et d’agrandir avec constance son paysage intérieur. Toujours il fut encourageant lorsque parfois je m’ouvrais à lui quant aux difficultés que je rencontrais dans un monde où l’astrologie peu à peu perdait ses lettres de noblesse et sa place, me conseillant de poursuivre ma voie sans relâche, fut-ce dans une certaine solitude. Enfin, bien qu’il fut à mes yeux comme à ceux de nombre de ses élèves un grand homme, érudit, plein de finesse et de talent en même temps que de gentillesse, il était d’une incroyable discrétion, simplicité et modestie. Deux ans avant sa mort, j’eus l’honneur et le grand plaisir de lui rendre visite avec mon époux, et je lui fis part de mon admiration pour son œuvre : il fut presque gêné par mes éloges dont il me remercia avec une sincère humilité. 

Un grand homme, décidément !

1 Voir l’Editorial de La Lettre des Astrologues n° 76 (Solstice d’hiver 2014)

https://mariepaulebaicry.fr/
https://www.mariepaulebaicry.fr/boutique-livres/

marie.paule.baicry@gmail.com

 

Le témoignage de Samuel Djian-Gutenberg

Jacques a été une personne très importante pour moi dans ma formation d’astrologue. (…).

Je cherchais un astrologue d’envergure pour m’aider à structurer mes connaissances. En 1975, j’ai trouvé aux Editions Traditionnelles une brochure présentant les cours que donnait un certain Jacques Berthon. Le programme était alléchant et la manière dont il présentait les cours correspondait exactement à ce que je cherchais. J’ai pris contact avec lui et fais une consultation à l’issue de laquelle je me suis inscrit pour les cours. Il m’a dit que, du fait du bagage que j’avais acquis par moi-même, je pouvais passer directement en 2è année, mais j’ai préféré partir en 1ère année, ce qui me permettait de mettre de l’ordre dans mes connaissances. J’ai donc fait les deux années en même temps.

A l’époque, malgré mes diplômes universitaires (Sciences Po, Droit, Institut Français de Presse, doctorant en Sciences Politiques avec des incursions en sociologie, psychologie, etc.), j’ai tout abandonné pour me consacrer uniquement à l’étude de l’astrologie. J’avais un emploi à mi-temps comme correcteur d’imprimerie à Maisons Alfort pour gagner juste de quoi vivre. J’allais le matin travailler et je consacrer mes après-midis et une bonne partie de mes nuits à l’étude.

Comme je gagnais juste de quoi vivre et payer mon loyer d’un tout petit appartement rue Rambuteau, j’ai demandé à Berthon de me faire un prix pour les cours. Ce qu’il a refusé en me disant que si je voulais vraiment étudier avec lui, je trouverais les moyens nécessaires, ce qui s’est avéré juste.

Deux soirs par semaine j’allais donc suivre les cours de l’ESAP (Ecole Supérieure d’Astrologie de Paris) à Levallois-Perret et ce pendant 3 ans. Les cours se faisaient en direct et y assistaient régulièrement environ 30 à 40 personnes. Berthon était assis devant une table posée sur une estrade ce qui faisait qu’il pouvait voir l’assistance. A ses côtés, Monique Kalinine, son assistante et compagne. C’était un one-man-show si on peut dire pendant environ deux heures Berthon exposait le sujet du jour avec brio, humour et érudition, non seulement en ce qui concerne l’astrologie mais aussi il avait une grande connaissance littéraire, artistique, etc. Son passé de comédien faisait qu’il savait rendre vivant l’étude des thèmes et de la vie des personnalités qu’il prenait en exemple pour illustrer ses propos. 

Il nous avait demandé à nous, les étudiants, ne pas l’interrompre dans son discours car, en même temps, il enregistrait ses cours qu’il diffuserait par la suite sous forme de cassettes. Nous nous contentions d’écouter et de prendre des notes mais il m’est arrivé d’enfreindre la règle spontanément pour poser des questions, ce que Berthon ne m’a jamais reproché car il me considérait comme un bon élève. Je crois que mes interventions ont été enregistrées et on peut les entendre sur certaines cassettes. J’ai adoré ces années d’étude avec lui et je m’étais rapproché de lui au-delà de mon statut d’étudiant. Et le fait est que Berthon, bien qu’il était Poissons  ascendant Poissons était quelqu’un de très organisé et ses cours étaient parfaitement structurés comme des cours universitaires. Ce qui fait que toutes mes connaissances acquises en tant qu’autodidacte se sont réorganisées et structurées me donnant une bonne base en astrologie traditionnelle.

A la fin de chaque année, nous passions un examen pour valider nos connaissances apprises durant l’année. Berthon louait une salle à la Mairie de Levallois-Perret, nous étions chacun assis à une table exactement comme pour les examens que j’ai passés en fac. Il fallait répondre à toute une série de questions théoriques et pratiques et, pour conclure, il nous donnait un thème « blanc », nous ne savions pas de qui il s’agissait, et il fallait l’interpréter. Je me souvins que, la première année, il s’est avéré que c’était le thème de Camille Flammarion, ce qu’il nous apprit par la suite. Sur le coup, j’ai pensé que c’était celui de Ramakrishna, mais je ne l’ai pas nommé. Mais comme il y avait beaucoup de similitudes entre celui de Camille Flammarion et celui de Ramakrishna, aussi bien dans la technique que dans l’esprit, mon interprétation n’était pas fausse.

Je suis sorti premier des promotions et j’ai eu droit à un diplôme. Ce diplôme m’importe plus et me rend plus fier que ceux que j’ai eus à l’Université car il correspond à mon choix de vie et non à ce que mes parents et la société attendaient de moi. On peut dire qu’il est l’expression de mon dharma, de ma mission de vie.

Berthon m’a donné de bonnes bases, m’a permis d’approfondir mes connaissances et quand j’ai fini d’étudier avec lui, j’ai gardé le contact avec lui et avec Monique Kalinine.

Cependant, bien que fort de ces connaissances, il me manquait une approche disons plus spirituelle de l’astrologie en phase avec mes études parallèles avec Jung et tous les psychologues humanistes (Carl Rogers, Abraham Maslow…) et avec les différentes spiritualités (hindouisme et yoga, bouddhisme, kabbale, christianisme, soufisme, etc.). Cet esprit, je l’ai d’abord trouvé chez Charles Vouga et Germaine Holley qui m’a enseigné individuellement et dont je suis devenu l’assistant et plus encore chez Dane Rudhyar que Germaine m’a fait connaître. J’ai été en contact épistolaire avec Rudhyar pendant quelques années avant d’aller étudier auprès de lui pendant environ deux ans en Californie. Mais Berthon reste une pierre angulaire dans mon panthéon et je lui en suis éternellement reconnaissant. Quand je pouvais, je ne manquais pas de venir le saluer.

Samuel DJIAN-GUTENBERG

www.djian-gutenberg.com

 

 

Le témoignage de Janine Tissot

Mes études auprès de l’École Supérieure d’Astrologie de Paris (ESAP) :

 

Au terme de 4 années d’enseignement (par cassettes enregistrées) auprès de l’Ecole Supérieure d’Astrologie de Paris (ESAP) sous la direction de Jacques Berthon et de Monique Kalinine, j’ai obtenu en 1993, le diplôme de « maître ès sciences astrologiques ».

 

Ce titre recouvre quatre années d’études portant sur :

  • l’astrologie traditionnelle,
  • l’astro-psychologie,
  • l’astro-sexologie,
  • l’astro-psychanalyse,
  • l’astro-mythologie

Cet enseignement libre de toute doctrine ou religion donne toute sa place à l’humain.

 

Obtenant ce diplôme, je le qualifiais de plus beau et de celui dont j’étais le plus fière, bien que je n’ai ouvert mon cabinet d’astrologie qu’en 2009 à Montbrison.

 

En effet, l’astrologie enseignée par l’ESAP et passée par l’étude de thémes … et de thèmes… m’a ouvert sur l’immense diversité de la nature humaine. Du saint à l’assassin, du plus modeste au plus illustre, cela m’a permis de découvrir, et sans cesse en débutante, l’infinie richesse de l’humain.

 

Quelques messages forts de Jacques Berthon me restent à l’esprit :

 

  • Etudiez des thèmes et des thèmes d’astrologie, c’est le meilleur livre d’astrologie.
  • Appropriez-vous ces outils, c’est à vous de réinventer l’astrologie et de la passer par votre tempérament personnel, sachant que chaque être est unique et unique aussi sa destinée.
  • Il faut sans cesse se tirer vers le haut.
  • A propos des aspects harmonieux ou disharmonieux d’un thème, il disait d’un bon aspect on peut faire du médiocre et d’un mauvais aspect, en faire de grandes choses.
  • Il faut s’étirer les antennes du ciel !
  • Les carrés sont des escaliers pour monter plus haut.
  • Les trigones sont des oreillers moëlleux.
  • Vous verrez, l’astrologie ça marche toujours !
  • Le thème astral, c’est une radiographie de l’âme!

 

Consultation astrologique auprès de Jacques Berthon à Levallois-Perret :

J’étais venue le consulter et j’en garde un souvenir marqué car de lui émanait cette humanité rassurante d’uranien qui livrait les outils astrologiques pour mieux se comprendre et développer le meilleur de soi.

 

 Échanges épistolaires avec Monique Kalinine :

D’avril 1997 à mars 2014, avec Monique nous avons eu de réguliers échanges de courriers, où nous nous communiquions nos infos et trouvailles astrologiques respectives à travers divers thèmes d’histoire et d’actualité. J’ai gardé ses courriers et en vous écrivant ces mots, je retrouve avec émotion sa belle écriture d’institutrice qui est un vrai plaisir à lire/relire.

Ensuite, je n’ai plus eu de nouvelles de sa part.

Janine TISSOT

Astrologue-conseil

https://janinetissot.fdaf.org/ https://www.janinetissot.com/ tissot.janine@orange.fr

Pluton selon Jacques Berthon                  (texte de 1973 extrait du n°166 des Cahiers Astrologiques).

Alexandre Volguine avait demandé à une quarantaine d’astrologues d’évoquer la symbolique plutonienne. Voici la longue réponse de Jacques Berthon qui témoigne de ses connaissances littéraires et de son approche mythologique de l’astrologie.

 

ORIGINES MYTHOLOGIQUES DE PLUTON

L’inconscient collectif sait tout.  Il connaît les secrets des mondes et détient les magies de l’Espace et les rythmes du Temps.  En nommant les planètes, il le prouve.  Car ce n’est pas pour rien qu’il dota du nom même du dieu des Enfers, l’astre Pluton.  Le hasard ne saurait si bonnement intervenir en de telles circonstances.

Qui est Pluton?  Il est, au royaume d’enfer, le justicier suprême.  Aussi bien ne serons-nous point surpris de voir ce corps céleste à la semblance du dieu et nommé de son nom prendre, en un thème astrologique, valeur de jugement.  En effet, là où est Pluton dans le ciel, là est assis le juge qui nous regarde.  L’endroit où est Pluton en Secteur et en Signe, c’est l’endroit du procès, le lieu de la Sentence.  Encore verrons-nous plus loin de quelle sentence il s’agit.

Or ce juge absolu est un dieu sans pitié; investi du pouvoir mortel, il est inexorable, c’est son rôle, mais il n’est cependant – il n’est et ne peut être – ni méchant ni bon: il est juste.

Pluton est juste, car chaque être qui meurt n’affronte en fait que son enfer, celui qu’il suscita aux tournures de sa vie.  Le châtiment est une sérénité.

On dit communément que Pluton c’est l’enfer, mais on oublie qu’il y a aussi un paradis de Pluton, le paradis de l’accomplissement.  Un auteur, Barbey d’Aurevilly, plutonien s’il en fût, écrivit: « L’enfer, c’est le paradis en creux ».  Il s’y connaissait.  Avec Pluton, tout est magie: les destins se renversent, les mondes se retournent, la sentence propose un ultime équilibre; le paradis du Diable devient l’enfer de Dieu, le paradis de Dieu, l’enfer du Diable…

Le paradis de Pluton, c’est un paradis interne: le paradis de la conscience.

Car Pluton ne déclare pas coupable.  C’est l’homme qui déclare coupable.  Pluton, lui, déclare ce qui est.  Il est le réel.  Il ne déclare coupable que s’il est lié à Saturne.  Qu’on songe à cela, qu’on pèse bien ce sens revêtu par le mauvais aspect de Saturne à Pluton et ce « complexe de culpabilité » qu’il engendre.  Là est une des clefs de l’Astrologie, une des clefs de l’au-delà.

Avec Pluton, tout Vivant et tout Mort est en face d’un choix: d’un coté le Tartare, de l’autre les Champs-Elysées.  Je serais porté à croire, pour ma part que, dans le graphisme même de la planète, ce choix est inclus.  Regardons le dessin:

Ne dirait-on pas, devant un tel carrefour que, de sa branche de gauche, Pluton dirige les ombres vers le haut paradis, tandis que, de sa branche de droite, il les mène aux supplices à travers les longs, longs labyrinthes du remords?

Et c’est ainsi que le symbole même de Pluton montre clairement que tout homme a deux voies.  Pluton, dieu des enfers, tient ce symbole dans sa main: c’est une clef.  Elle est la clef qui ouvre deux serrures, comme en certains contes arabes où ce dilemme est présenté : on y voit le héros qui arrive en une vaste salle, au fond de laquelle sont deux portes, l’une qui donne accès sur la fosse aux serpents, sur le noir, sur le laid, sur l’abîme et la mort, l’autre sur un jardin serti de fleurs vivantes, mais l’homme ne sait laquelle ouvrir.  Avec Pluton, tout homme est là, à balancer entre le néant et l’étoile.  D’un côté, c’est la porte qui donne sur l’absurde, et de l’autre la porte qui ouvre sur l’Éternité, mais l’homme, aveuglé par Pluton, ne sait laquelle ouvrir, la porte des tourments ou celle du bonheur.

Car, avec Pluton, pas de milieu, c’est le voyage vers l’inconnu.  A bâbord, la pourriture, à tribord, le ciel étoilé qui frémit.  Il mène tout droit vers l’infini.  Il ouvre aux Galaxies.

Saturne est le père de Pluton.  C’est lui, Saturne-Chronos – autrement dit le Temps – qui engen­dra les trois grands dieux qui allaient régner sur les choses créées: Poséidon-Neptune, Zeus-Jupiter, Hadès-Pluton.  Or, au partage de l’Espace, Hadès-Pluton se vit dévolu les profondeurs du Tartare.  C’est de là désormais, nous dit le mythe, qu’il étendra son pouvoir sur le peuple des ombres.

Ainsi donc, arrivés à cette articulation de l’histoire, nous voyons apparaître un nouvel aspect de la planète Pluton : La Mort.

Encore convient-il de noter que Pluton, souverain des morts, n’est pas la mort (les Grecs la nommaient Oxvaros), il est l’au-delà de la mort, il est la vie dans la mort, il est la force sexuelle qui, par-delà les Portes de la Mort, a pouvoir de faire renaître l’homme aux mondes parallèles.

Maître de la Maison VIII qui, dans un thème, figure l’œuf de la Mort, Pluton est une force active de la mort.  Il est une dynamique de la mort.  A l’heure où Saturne son père – qui est une statique de la mort – arrête et fige la vie, lui, Pluton, fils, éjacule la vie au trou de la mort.

Que se passe-t-il quand la sacro-sainte chair devient pourriture? Eh bien précisément, il se passe Pluton, il se passe la vie.  La graine est enfouie dans la terre et le mort est jugé.  Mais l’un et l’autre ne pourrissent que pour mieux renaître en moissons.  Ainsi l’âme dégagée de la gangue du visible s’éveille à l’au-delà.

C’est pourquoi dans un thème, Pluton a pour mission de susciter en l’homme une prise de conscience.  Il est une plongée aux racines mêmes de l’âme.  Le processus en est simple à comprendre: en effet, là où est Pluton, il y a blocage, arrêt, rupture.  (C’est du reste parce que Pluton a valeur de refoulement qu’il prend valeur d’angoisse.)  De sorte que l’être est contraint d’éclairer ce point sourdement douloureux de Pluton pour passer par-delà.  Telle est la troisième articulation de Pluton: la prise de conscience, gymnastique orthopédique de l’âme.  Il faut demander ce secret aux artistes, aux poètes, aux mystiques, à ceux qui, parvenus à vaincre, par la force de leur sublimation, ce vertige de mort de Pluton ont, par dépassement de la force destructive, retrouvé la force constructive.

Dans les ruines poussent les plus belles fleurs.  Pluton, c’est l’espoir du renouveau.  Destructeur en tous genres, il ne détruit que pour créer.  Il ne gomme que pour reconstruire.  Car c’est cela une entreprise de démolition avec Pluton : une entreprise de construction.  Si Pluton est la mort, c’est que de la mort naît la vie.  S’il est la haine, c’est que la haine est un des visages de l’amour.  Il est la cruauté, parce que la cruauté, ce n’est au fond qu’un acte de l’amour.  Pour Pluton, c’est cela le sadisme : de la douceur…

Pluton a l’art de toutes les transmutations.  Et c’est cela sa quatrième articulation.  Il est l’anti-matière; il est la force captive dans le noyau atomique qui est principe de mort des espèces et principe de vie des soleils.  Et à la place exacte où il est dans un thème, le sol se dérobe sous les pieds, la terre tremble, sa face s’altère et les prairies se font volcan ; c’est la danse sur le cratère, c’est la saison en enfer.  A qui s’appuie sur Pluton, tout vient un jour à manquer et les assises les plus dures se font mouvantes comme l’eau.  Tout n’est plus qu’illu­sion, le feu devient liquide et l’eau devient brasier ; elle se met à couler: c’est la lave, ce feu qui coule, cette eau qui flambe.  Pluton a l’art de tous les changements.  Il vous transforme une nuit de noces en nuit de meurtre et la fleur blanche de l’oranger en fleur rouge de sang éclaté.  Et puis il se dérobe, il disparaît et l’homme reste avec son crime.  Les liaisons de Pluton et de Mars parfois racontent de telles histoires.

Terrible.  Merveilleux.  Avec Pluton, c’est le festival du Mystère, de l’Étrange, de l’Invisible.  Et c’est là sa dernière articulation.  La figuration même de Pluton le dit: en effet l’attribut principal de ce dieu est le casque qui rend invisible.  Avouons qu’un tel symbole dénote distinctement le travail souterrain et obscur de Pluton.  Ce casque-là est plus qu’un ornement.  C’est un vouloir.  Car Pluton est la conscience de l’invisible et l’envers du monde apparent.  Pluton est une divinité terrible qui détourne la tête, qui dit « non », et dit « non ».

Dans son plutonien poème du « Corbeau », Edgar Poe écrivit:

« Dis-moi quel est ton nom seigneurial aux rivages de la nuit plutonienne? » – Le Corbeau dit: « Jamais plus. »

Pluton, c’est cette tête si belle et qui dit « Non » et qui dit « Jamais plus ».

.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut
Yves Lenoble